• Le Vague des passion

    Le Vague des Passions

    Je devais avoir environ seize ans lorsque, pendant le cours de français, je me suis senti percé à jour. Comme on surprend quelqu'un qui fait quelque chose et qui soudain prend conscience qu'il est en fait observé depuis un certain temps, à son insu.

    Il s'agissait du « vague des passions » chez Chateaubriand. Je retrouve l'extrait du Génie du christianisme :

    « (...) le grand nombre d'exemples qu'on a sous les yeux, la multitude de livres qui traitent de l'homme et de ses sentiments rendent habile sans expérience. On est détrompé sans avoir joui (...) sans avoir usé de rien, on est désabusé de tout (...) ».

    En classe, je réalisai alors avec grande honte et confusion, que mon propre imaginaire était infesté d'influences picturales, télévisuelles, cinématographiques et livresques et que celles-ci formaient une sorte d'écran entre la réalité et la perception que j'en avais.

    Et voilà qu'un écrivain que je respectais peu, ayant vécu avant moi, avant la TV et le Cinéma, avant mai soixante huit etc., décrivait précisément, et me faisait découvrir, un fonctionnement qu'inconsciemment jusqu'alors, je reproduisais.

    Je me sentis transparent, craignant que les autres élèves, les enseignants, mes parents, ou n'importe quel quidam, ne s'aperçoivent de mon secret.

    La sensation cuisante qui avait accompagné cette révélation intime me revient en écrivant ces lignes.

    J'ai ensuite tenté de repérer en moi, pour m'en délivrer, l'emprise de ces conceptions préfabriquées que je prenais pour les miennes et me suis souvenu longtemps que pour être moi-même, il fallait que je me méfie, aussi, de ce que d'autre avaient imprimé dans mon esprit.

    On retrouve ce « thème » littéraire : l'examen des préjudices causés dans l'imaginaire par les médias (qui comblent des insatisfactions de la vie réelle, mais en produisent d'autres, non moins impérieuses), naturellement dans le bovarysme, mais Musset, le Roquentin de Sartre ou les Précieuses ridicules de Molière, l'ont également illustré, approfondi, interprété...

    Sans trop oser espérer que ce sujet, vraisemblablement trop "littéraire", voire "culpabilisant", soit encore abordé aujourd'hui dans les cours de français, attendons peut-être quand même qu'un film à ce sujet passe à la TV, et pourquoi pas qu'un jeu vidéo en fasse l'objet, afin d'aider nos jeunes à y méditer aussi - on peut rêver !


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