• Elle ne la mettra pas

     

    Elle pense qu'une fleur dans ses cheveux relèverait sa beauté.

    Elle anticipe les sarcasmes

    et décide de dominer tout cela

    en ne la mettant pas.


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  • Avec un t-shirt et des jeans.

     

    Esquiver les conversations dont on ne maîtrise pas les principaux éléments, réduire les autres à leur fonction sociale pour mieux s'affirmer et surtout ne pas analyser ses propres comportements, peuvent passer pour les marques d'un vrai caractère - immanquablement dit « fort ».

    La trivialité, une culture allégée ne remontant pas à plus de quelques années avant sa naissance, semblent l'emporter dans un nombre croissant de milieux.

    Le contact des classiques, une certaine distance face à soi-même ou la politesse, s'y trouvent rondement relégués au rang de codes hypocrites, de gadgets à ridiculiser, de signes extérieurs de la bourgeoisie, voire d'attachements excessifs au passé. Donc, dans tous les cas : « pas bien ».


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  • Chaque douleur se croit unique

     

    Il n'y a rien

    de pire que...

     

    Mais si,

    mais si !


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  •  Portrait posthume d'Hérodote, datant du IVe siècle av. J.-C.

    Hérodote nous épargne l'odeur de ses sandales,

    le diamètre des cordages, ses bobos et même

    la recherche de ses sponsors (je sais, je sais, il était

    fortuné - ça n'enlève rien à l'argument [non : rien !]).

    De cela, les journalistes actuels

    parviennent à faire un bon 50%.

    Signe des temps :

    l'image des vicissitudes de leur

    nombril participe délibérément à la matière reportée.


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  • D'une chambre l'autre.

     

    Sous cet angle, la Châtaigneraie n'a pas changé.

    Successivement chassé de trois établissements du secondaire inférieur, je débarque en plein cours d'année au Collège Protestant Romand, dit La Châtaigneraie[1]. Inscrit comme pensionnaire, l'on cherche où m'y faire dormir.

    Il n'y a que les « maturins » qui aient droit à être seuls dans une chambre. On les appelle ainsi parce que ce sont les grands, ceux qui préparent la maturité - équivalent du baccalauréat. Les petits du primaire sont regroupés par quatre ou six, dans des dortoirs.

    Quant aux filles, elles sont logées dans La Ferme, qui n'est pas une ancienne exploitation agricole, mais une annexe, située Chemin de La Ferme, un peu à l'écart.

    Selon mon âge, on m'attribue donc un espace dans une chambre occupée par deux internes, avec lesquels je m'entends plutôt bien.

    Un grand échalas français[2], sociable mais discret, et un petit monégasque énergique, au teint mat et visage criblé de taches de rousseur.

    Pourtant, après une ou deux semaines, le court sur pattes me prend à part. Plus jeune que moi, il s'exprime avec une autorité qui m'impressionne. En quelques phrases, mon sort est réglé.

    Le bâtiment est conforme à ce qu'il était, mais les aménagements végétaux devant les façades n'existaient pas.Lui-même et son camarade sont nobles. De ce fait, comme je ne le suis pas, je dois aller dormir ailleurs.

    L'aspect « affront social » de cette éviction m'échappe complètement et je reçois sa tirade aussi simplement que s'il m'avait expliqué que deux et deux font quatre.

    Les titres, origines sociales, ne jouent aucun rôle entre les élèves que nous sommes et cet épisode constitue un exemple unique, au moins dont je me souvienne.

    Le soir même, je dors donc au dernier étage, avec deux autres roturiers. J'y perds certes d'avoir été rejeté par le duo d'aristocrates, mais y gagne de me retrouver installé au niveau des « maturins » - privilège envié.

    Nous sommes trois à partager cette sorte de belle soupente. L'un, espagnole, craintif, revêt des pull-overs de couleurs vives, parle de sa mère et sourit constamment. L'autre, un suisse allemand travailleur, un rien bourru, porte des chemises unies. Nous formerons bientôt un trio, chacun plutôt insoucieux des deux autres, tout à fait convenable.

    Le sol de la pièce se divise mentalement en trois domaines, où sont disposés pour chacun son armoire, sa petite table et son lit. Les murs des angles relèvent également de notre responsabilité individuelle. Le quatrième coin, commun comme la porte, est occupé par un radiateur et une fenêtre haut perchée.

    L'espagnol a affiché un grand poster à la gloire de l'écumage des mers - corsaires et port livré au pillage - et d'autres dévolus à divers groupes de musique pop. Le suisse allemand est plus audacieux : sur les siens apparaissent des scènes hallucinées de concert hard rock, avec des éclaboussures de sang. Il y a même une fille nue, de dos, et une autre dont on voit le nombril !

    Quand à mon bout de mur, il n'arbore que la peinture vert bleue d'origine. Mes nouveaux copains tolèrent longtemps mon inertie sans m'en faire grief. Toutefois, après quelques semaines, ils m'engagent fermement à m'occuper de ces mètres carrés, dont le navrant dénuement commence à retentit sur notre moral.

    Seulement voilà : si je n'ai rien entrepris jusqu'ici, c'est que je suis désemparé. Je n'ai aucun poster chez moi - juste des photos de chanteurs et chanteuses, trop petites pour faire l'affaire. Dissimulant mon affolement, je songe que ma mère m'aidera à trouver des images assez grandes pour être placardées et me représenter dignement.

    Le week-end suivant, je lui fais part de cette nouvelle exigence, mais c'est à peine si elle connaît le mot « poster ». Il est donc décidé qu'elle va s'atteler à trouvera une solution.

    Il n'est en effet plus question de temporiser, car à mon retour à la Châtaigneraie, ce ne sont plus mes égaux, mais un adulte, le surveillant responsable de l'étage, qui me chapitre sèchement à ce sujet.

    C'est avec excitation que le samedi suivant, je découvre le résultat des recherches de ma mère.

    Un peu comme ça, mais avec l'arrière-plan violet pâle.Triomphante, elle me montre un grand « poster » représentant Lucky Luck à cheval, sur un fond mauve pastel. Il s'agit d'une reproduction parue dans son quotidien.

    Déployée sur la table basse du salon, les plis des pages au format du journal, attirent l'attention. Sans être enthousiaste, je suis néanmoins rasséréné à l'idée que la désolation de mon mur vide va bientôt disparaître.

    Dans ma famille, une fois de plus, j'ai oublié la réalité des vrais gens. Elle se rappelle à moi lorsque, le dimanche soir, je punaise le cow-boy solitaire devant mes deux amis.

    À leur silence réprobateur, je ne pourrai opposer qu'une gêne muette. Je n'ai aucun moyen de remédier à ce désastre, dont je ne parlerai jamais.

    Ce n'est qu'après plusieurs semaines, grâce aux vacances d'été, que je pourrai enfin me débarrasser de ce signe infamant, qui m'a catalogué aux yeux de tous dans le registre des immatures - ou des surprotégés.



    [1] Aujourd'hui propriété de l'Ecole Internationale, la vénérable institution - surnommée entre nous La CHATE - où j'ai passé trois ans et demi, est rebaptisée Collège International.

    [2] J'apprendrai plus tard que, descendant de Bonaparte, il s'appelle Jérôme de Montfort.


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